Depuis le mois de juillet 2021, une tension croissante se fait sentir sur la disponibilité et le coût des matériaux nécessaires à la réalisation des chantiers. Cette difficulté, initialement issue de la crise sanitaire, impacte directement les relations entre maîtres d’ouvrage et entreprises : l’indisponibilité de certains matériaux ralentit le rythme des chantiers, et les impacts en termes de coûts renchérissent globalement des coûts de construction déjà élevés.
Mais le couple entreprise/maîtrise d’ouvrage n’est pas le seul concerné par cette situation : la maîtrise d’œuvre dans sa globalité et les architectes notamment sont également impactés dans leur activité par cette crise, par impact collatéral.
Le premier effet est la difficulté de tenir les engagements qui ont été pris sur le coût prévisionnel des travaux : des résultats d’appels d’offres infructueux obligent fréquemment (systématiquement en marchés publics) la maîtrise d’œuvre à revoir les projets à la baisse. Cette obligation est issue d’une volonté légitime de contenir les coûts d’opération dans des conditions de marché théoriquement stables. L’obligation contractuelle de reprendre gratuitement le projet est assimilable à une pénalité, puisque l’ensemble du travail produit n’est pas rémunéré.
Pour les entreprises, le gouvernement a régulièrement pris position pour que les entreprises de bâtiment soient dispensées de pénalités.
Face à cette situation, et dans le même état d’esprit, le CNOA a demandé à ce que les maîtres d’ouvrage tiennent compte de cette situation d’exception, pour éviter que la maîtrise d’œuvre ne soit injustement pénalisée, en rémunérant les reprises d’études visant à atteindre un coût acceptable, quitte à revenir même sur des éléments de programme (diminution de programme, modification des niveaux d’exigences…).
Le second effet est celui de l‘augmentation de la durée prévisionnelle des chantiers. Sur ce sujet, la concertation menée par Bercy en 2021 a conduit à la reconnaissance, dans le cadre du CCAG maîtrise d’œuvre, de réelles difficultés rencontrées par la maîtrise d’œuvre lorsque la durée des chantiers dépasse de plus de 10% la durée originellement prévue.
Le CCAG maîtrise d’œuvre n’étant entré en vigueur qu’en septembre 2021, les contrats publics passés avant cette date ne sont pas visés par cette disposition d’ouverture au dialogue. Toutefois, sur ce sujet aussi, le CNOA a demandé que les maîtres d’ouvrage tiennent compte de ces réelles difficultés, dont la maîtrise d’œuvre n’est pas responsable, en appliquant le dispositif de l’article 15 du CCGA maîtrise d’œuvre, y compris pour les contrats qui ne relèvent pas de ce régime (ouverture d’un dialogue sur les impacts de l’augmentation de la durée du chantier sur le marché de maîtrise d’œuvre).
La mise en œuvre du dialogue sur ces deux effets néfastes nécessite une réelle prise de conscience de la part des maîtres d’ouvrage de la réalité de cette situation de pénurie et de surcoûts des matériaux. Pour s’en assurer et afin d’objectiver un état des lieux, le CNOA a fait réaliser une étude synthétique par le CREDOC, organisme indépendant, qui met en évidence cette situation, à un niveau macroéconomique.
Cette étude, mise à la disposition de tous, synthétique et facilement accessible, permet de mieux évaluer et convaincre, s’il en était encore besoin, de la réalité de la pénurie et des surcoûts. Elle peut servir à chaque architecte de support au dialogue qui doit nécessairement s’instaurer avec la maîtrise d’ouvrage sur cet épineux sujet.
Rappel de l’Enquête réalisée pour le CNOA en novembre 2021 :
- 50% des chantiers subissaient un retard dû à la pénurie de matériaux, avec des dépassements de délais compris entre 10 et 30% du délai initial.
- 66% des architectes interrogés considéraient que les appels d’offre de travaux qu’ils avaient lancés dans les 6 derniers mois, avaient un coût 10% à 30% supérieur à ce qu’ils avaient prévu ;
- 60% des architectes constataient que leurs clients avaient prévu de modifier leurs projets pour en diminuer le coût.